Après Poutine en janvier, c’est Trump qui lâche la bride à Erdoğan. Il n’y a désormais plus d’obstacle à une invasion du Rojava/Fédération démocratique de Syrie du Nord par l’armée turque. Bachar el Assad se réjouit de l’affaiblissement de cette région qui promeut un modèle démocratique radicalement opposé au sien. Contre les menaces et les calculs impérialistes, solidarité révolutionnaire avec les peuples de Syrie !
Le processus révolutionnaire qui se déroule dans le nord de la Syrie est aujourd’hui à un tournant. Tout d’abord, les Forces démocratiques syriennes (FDS) semblent avoir défait définitivement l’État islamique (Daech) sous sa forme actuelle, en s’emparant de son ultime bastion situé à Hajine, dans l’est de la Syrie. Une phase de la révolution s’achève ; des dangers non moins redoutables se profilent à l’horizon.
En premier lieu, l’État turc et Erdoğan menacent depuis plusieurs semaines d’attaquer l’ensemble du Rojava, après avoir envahi le canton d’Afrîn au début de l’année avec l’assentiment de Moscou. Les conséquences seraient dramatiques pour les populations civiles, comme on le voit à Afrîn où, après le nettoyage ethnique, les bandes de mercenaires de l’Armée syrienne libre (ASL), sous protection turque, se livrent à des exactions quotidiennes contre les populations kurdes, yézidies, et toute personne soupçonnée de liens avec l’auto-administration du Rojava.
La seule surprise réside
dans le timing serré
de ce retournement
Aujourd’hui, la question n’est plus « Erdoğan va-t-il attaquer ? » ; la question est quand et quelle sera l’ampleur de l’attaque. Car en plus des menaces sur le Rojava, circulent les rumeurs d’une invasion du nord de l’Irak où se trouvent les bases arrières de la guérilla kurde et de leurs alliés révolutionnaires turcs.
L’impérialisme américain donne, dans tous les cas, un blanc-seing complet à son allié turc. Trump, dans un élan de cynisme rarement vu en matière de retournement d’alliance, a annoncé le retrait complet des troupes US de Syrie moins de 48 heures après la prise de Hajine par les FDS. Chacune et chacun savait, de chaque côté, que cette alliance de circonstance et contre-nature nouée contre Daech ne pouvait durer dans le temps. Les projets et les intérêts à long terme étaient diamétralement opposés, ce que les révolutionnaires de là-bas et d’ici ont toujours dit. La seule surprise réside dans le timing serré de ce retournement. D’ailleurs cette brusque décision, qui a provoqué la démission du secrétaire à la Défense James Mathis, divise le complexe militaro-bureaucratique US.
Des armes sont distribuées
dans les quartiers et les villages
Mais Erdoğan n’est pas le seul à se frotter les mains. Bachar el Assad et ses soutiens russes et iraniens font le pari que les forces kurdes, sous la menace d’une attaque turque, ou suite à cette attaque, seront fatalement affaiblies. Leur ambition est la suppression du confédéralisme démocratique et du projet égalitaire et antipatriarcal porté par la Fédération démocratique de Syrie du Nord, et le rétablissement de l’État syrien antérieur à 2011 : dynastique, policier, mafieux, raciste et colonial.
La révolution du Kurdistan a donc, plus que jamais, besoin de tout le soutien que nous pouvons lui apporter. Il est temps de faire mentir ce vieux proverbe qui dit que « les Kurdes n’ont pour amies que leurs montagnes ».
Face à cette menace mortelle d’invasion, la Fédération démocratique de Syrie du Nord a déclaré la mobilisation générale le 12 décembre. Dans toute la région, on creuse tranchées et tunnels ; des armes sont distribuées dans les quartiers et les villages ; un appel international a été lancé, pour une résistance massive et populaire. Alternative libertaire y souscrit et appelle, en France et en Belgique, l’ensemble des révolutionnaires et anticolonialistes à se joindre aux protestations organisées par la diaspora kurde.
Solidarité révolutionnaire avec nos camarades du nord de la Syrie !
Biji Rojava, biji Berxwedan !
Alternative libertaire, le 23 décembre 2018